En réponse à une saisine du Gouvernement, le gestionnaire de transport d’électricité RTE a lancé en 2019, une étude prospective concernant les mix électriques et les adaptations nécessaires envisageables permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et respecter ainsi les objectifs de l’Accord de Paris.
Attendu depuis près de deux ans par toutes les différentes parties prenantes, ce lundi 25 octobre, RTE a rendu les principaux résultats de son rapport intitulé « Futurs énergétiques 2050 ».
Il faudra cependant patienter jusqu’au premier trimestre 2022 pour avoir accès progressivement à toute l’étude complète et notamment les détails qui soutiennent les scénarii exposés dans le résumé exécutif d’octobre 2021.
Problématique générale : sortir des énergies fossiles
L’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris (neutralité carbone), impose une transformation de nos modes de vie et de l’économie, couplée à une restructuration du système d’énergie pour permettre à l’électricité de remplacer les énergies fossiles.
En 2021, en France, les énergies fossiles représentent environ 60% de l’énergie totale utilisée et satisfont une consommation finale de plus de 930 térawattheures par an (TWh/an) contre 430 TWh/an pour l’électricité.
Ces produits carbonés sont composés principalement de produits pétroliers (# 40%), de gaz naturel (# 20%) et de charbon (<1%) importés principalement depuis l’Arabie Saoudite, l’Algérie, le Nigeria, le Kazakhstan, la Russie, la Norvège et les Pays-Bas.
La Stratégie Nationale Bas carbone (SNBC) de la France prévoit de réduire sa consommation d’énergie finale de près de 40% (- 675 TWh) pour passer de 1 600TWh en 2021 à 930 TWh en 2050.
Pour cela, elle prévoir d’augmenter significativement la part de l’énergie consommée en électricité de 25% (430 TWh) de nos jours, à 55% (512 TWh).
Pour la suite de ses études, le scénario de référence arrêté par RTE porte à 645 TWh/an la consommation d’électricité à l’horizon 2050, soit +35% par rapport à 2021. Ce scénario de référence est en ligne avec la stratégie nationale bas carbone. De plus, il prend en compte une rehausse de la consommation d’électricité liée aux prolongements des modes de vie des Français, et une baisse des consommations liée à l’efficacité énergétique des bâtiments et équipements.
Pour aller plus loin dans son étude, RTE a étudié deux scénarii de consommation à l’horizon 2050.
Un scénario « sobriété » basé sur un changement profond des modes de vie et de consommations : mobilités douces, transport en commun, économie du partage, télétravail, sobriété numérique et électrique (baisse température de chauffage). Ce scénario suppose une consommation de 550 TWh à l’horizon 2050, c’est-à-dire une réduction de -90 TWh (-14%) par rapport au scénario de référence.
A contrario, un scénario « réindustrialisation profonde » qui modélise les investissements nécessaires à réaliser dans les secteurs technologiques porteurs, associés à la relocalisation des productions manufacturières fortement émettrices à l’étranger. Ce scénario présente l’avantage de relocaliser des emplois en France tout en réduisant son empreinte carbone sur l’ensemble des scopes 1, 2 et 3 grâce à son mix énergétique fortement décarboné par rapport aux autres pays. Cependant cette situation se traduit par une augmentation de la consommation de +107 TWh pour atteindre 752 TWh (+17% / scénario de référence).
La France doit donc faire face à un double défi : augmenter sa production d’électricité et remplacer les centrales nucléaires de deuxièmes générations prévues de fermer d’ici à 2060.
Pour mettre en œuvre sa stratégie bas carbone, la France compte s’appuyer sur l’efficacité énergétique, l’électricité bas-carbone et le développement des usages de la biomasse.
Dans son rapport, RTE a intégré ces trois éléments dans sa trajectoire de référence qu’il a décliné en six options de mix de production à l’horizon 2050. Les hypothèses retenues pour élaborer ces six options restent cependant communes : 22GW d’hydraulique, moins de 3GW d’énergies marines, 2GW de bioénergies, 8GW de STEP et 39GW d’importation.
Le graphique ci-dessous illustre les 6 options retenues.
Ces 6 trajectoires se décomposent en deux catégories distinctes notées :
« M » pour une production des énergies renouvelables comprise entre 87% et 100% du mix de production d’énergie. La part du nucléaire historique représente entre 0% et 13% du mix.
« N » pour un mix de production d’énergie renouvelable couplée avec de nouveau nucléaire pouvant atteindre entre 26% et 50% du mix. Cela se traduit par la nécessité de construire entre 8 et 14 nouveaux réacteurs pressurisés européens de deuxième génération (EPR2) et quelques petits réacteurs modulaires (SMR) entre 2035 et 2050.
Quels enseignements tirés de cette étude.
Dans le résumé exécutif du document de RTE, ce dernier présente 18 enseignements listés ci-dessous :
1 Réduire la consommation grâce à l’efficacité énergétique (200 TWh) et la sobriété (90 TWh).
2 Substituer les énergies fossiles par l’électricité tout en réduisant significativement les consommations d’énergie.
3 Accélérer la réindustrialisation, électrifier les procédés tout en réduisant l’empreinte carbone de la France.
Cela se traduit par une construction de moyen de production bas carbone dès le prochain cycle d’investissement permettant ainsi d’éviter # 900 millions de tonnes de CO2 d’ici à l’horizon 2050.
4 Développer les ENR (à minima avec un parc de 50 GW) pour garantir l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.
5 Accélérer rapidement le développer les ENR si l’on souhaite se passer de nouveaux réacteurs nucléaires.
6 Construire de nouveaux réacteurs nucléaires reste pertinent sur le plan économique.
7 Favoriser les grands parcs solaires et éoliens en mer et à terre qui affichent des coûts très compétitifs, inférieurs à ceux de nouvelles centrales thermiques ou nucléaires.
8 Renforcer les moyens de pilotage, développer les interconnexions et les capacités de stockages (hydrauliques et batteries).
9 Redimensionner les réseaux électriques pour accompagner la transition énergétique.
10 Créer un écosystème hydrogène bas carbone performant et flexible (production, stockage et transport).
11 Prolonger les réacteurs nucléaires existants au-delà de 60 ans en relevant les paris technologiques associés.
12 Intégrer les conséquences du changement climatique (eau, vagues, chaleur et vent) dans la transformation du système électrique.
13 Réduire l’artificialisation des sols liée au développement des ENR.
14 Fournir une énergie décarbonée en intégrant le bilan carbone complet des infrastructures sur l’ensemble de leur cycle de vie.
15 Anticiper les approvisionnements en ressources minérales pour réussir la transition énergétique.
16 Maitriser le coût global du système électrique à l’horizon 2050.
Selon RTE, en fonction du scénario choisi, un besoin en investissement très soutenu de l’ordre de 750 à 1 000 milliards d’euros est indispensable pour garantir une alimentation en électricité de la France sur les 40 prochaines années. Ramené sur l’année ce besoin en investissement s’élève entre 20 et 25 milliards d’euros par an, ce qui représente plus du double du rythme actuel d’investissement !
Pour relever ce défi, un encadrement public fort est nécessaire pour diminuer le coût de financement des nouveaux moyens de production bas carbone ainsi que de celui du réseau.
17 Développer rapidement les ENR et prolonger les réacteurs nucléaires existants augmente la probabilité d’atteindre à nouvelle cible de réduction de CO2 (-55% net) à l’horizon 2030.
18 Il y a urgence à se mobiliser, quel que soit le scénario choisi.